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Ethiopie: Les Etats-Unis et le Royaume-Uni Accusés d'Ignorer et de Faciliter des Abus

July 19, 2013
Source
IPS

Washington — Les organismes d'aide étrangère américains et britanniques sont accusés d'ignorer, de mal caractériser ou de minimiser les témoignages faits par des communautés ethniques en Ethiopie, par rapport à certains abus du gouvernement de ce pays.

Ces communautés accusent notamment le gouvernement d'Addis-Abeba de les expulser de force de leurs terres et de violer leurs droits humains au nom des projets de développement de masse.

Malgré plusieurs missions d'information effectuées par l'Agence américaine pour le développement international (USAID) et le ministère du Développement international (DFID) - les bras d'aide étrangère des Etats-Unis et du Royaume-Uni - dans les communautés touchées, les deux gouvernements ont trouvé à plusieurs reprises que les accusations d'abus étaient sans fondement.

Pourtant, selon les enregistrements de certaines des réunions de mission, publiés mercredi par 'Oakland Institut', un groupe de veille américain, les responsables des deux organismes semblent avoir reçu des témoignages répétés sur des allégations de mauvais traitements de la part du gouvernement éthiopien.

"Les transcriptions de ces enregistrements, rendues publiques avec ce rapport, ne font aucun doute que ces organismes d'aide ont reçu des témoignages de première main très crédibles sur de graves violations des droits humains au cours de leur enquête sur le terrain et ils ont choisi d'ignorer obstinément ces témoignages", écrit Will Hurd, l'auteur de l'un des nouveaux rapports. Il est également un agent d'une ONG locale et le traducteur qui a réalisé les enregistrements.

"Selon un haut responsable de l'USAID, le membre de l'agence lors de la visite sur le terrain a rapporté que les témoignages de violations des droits de l'Homme écoutés dans la région de l'Omo étaient tous de 'troisième main'. Cependant, il est clair qu'à partir des transcriptions, beaucoup étaient de première main".

Les enregistrements ont été effectués au cours d'une mission en janvier 2012 dans la vallée du Bas-Omo, dans le sud-ouest de l'Ethiopie.

"Ces transcriptions montrent que ces délégations ont entendu beaucoup de choses", a indiqué à IPS, Anuradha Mittal, directrice exécutive de 'Oakland Institute'. "Ces gouvernements donateurs doivent maintenant assumer la responsabilité de leur inaction, pour examiner de façon critique ces politiques douteuses de développement".

Bien qu'aucun rapport officiel n'ait jamais été rendu public soit par l'USAID soit par le DFID à la suite de la mission effectuée en janvier 2012 ou d'un suivi effectué en novembre, IPS a pu voir la copie de quatre pages, provenant d'une fuite, d'une réunion conjointe d'information qui a suivi les discussions de janvier (aucun rapport n'a connu de fuite suite à la mission de novembre).

Ce rapport note que les membres de la mission ont reçu des allégations de "viol de femmes et ... d'un jeune garçon", "d'usage de la force et d'intimidation avec la présence de 'l'armée', et "des menaces de la part du gouvernement, y compris, entre autres, des propos comme 'vendez votre bétail ou nous leur administrerons des injections et les tuerons'.

Le rapport conclut: "Comme conséquence de ces événements, les [communautés ethniques locales] Mursi et Bodi, en particulier, ont déclaré qu'elles vivaient dans la peur, recourant à d'autres sources de nourriture ou souffrant de la faim. L'expression 'attendant de mourir' a été utilisée. Bien que ces allégations soient extrêmement graves, elles n'ont pas pu être confirmées par cette visite".

Cette dernière expression a été mise en gras et soulignée, et il a été recommandé plus de suivi.

Selon 'Oakland Institute', l'USAID et le DFID ont ensuite rapporté cette conclusion au Groupe d'assistance au développement, composé de 26 des plus grandes agences d'aide au développement du monde, y compris le Programme des Nations Unies pour le développement, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

En mars, le Panel d'inspection de la Banque mondiale a cité des preuves selon lesquelles l'institution peut être en train de soutenir les programmes de "villagisation" en Ethiopie et a demandé une enquête sur cette affaire, bien que les autorités d'Addis-Abeba aient refusé depuis ce temps de coopérer.

Renaissance

Au cours des deux dernières décennies, l'Ethiopie a émergé en tant qu'une puissance économique montante. Cette situation a incité des donateurs internationaux à couvrir le pays d'éloges et de fonds d'aide dans l'espoir que cela peut aider à ancrer une Corne de l'Afrique difficile et à conduire ce qui a été appelé une "Renaissance africaine".

Au cours des dernières années, ce soutien s'est traduit par environ 3,5 milliards de dollars annuellement dans différents types d'aide, comprenant plus de la moitié du budget du pays.

Cependant, cette assistance a en partie renforcé une série de plans nationaux agressifs de développement de grande envergure mis en place par l'ancien dirigeant éthiopien de longue date, Meles Zenawi.

Il s'agit notamment des barrages hydroélectriques contestés et des plantations agricoles massives, pour lesquelles des programmes de défrichement de masse ont menacé de chasser environ 260.000 habitants de leurs terres, pour être réinstallés de force dans d'autres régions - un processus appelé "villagisation".

Bien que Meles soit mort en 2012, le nouveau Premier ministre, Hailemariam Desalegn, a dit clairement que son gouvernement travaillerait pour poursuivre le programme de développement en cours.

Selon les enregistrements publiés par 'Oakland Institute' et d'autres témoignages recueillis par des groupes de défense des droits dans le passé, le projet de "villagisation" s'est traduit par un programme vicieux fait parfois de violence et d'intimidation contre des communautés locales, souvent perpétrées par les forces de sécurité éthiopiennes.

"Le gouvernement éthiopien vient prendre toutes nos terres et nous donne la violence, et ils violent nos femmes", a déclaré un homme Mursi pendant qu'il parlait aux responsables de l'USAID et du DFID lors d'une réunion près de la communauté Hailewuha dans l'Omo-Sud.

Un autre homme Mursi a prévenu: "Nous attendons seulement la mort. Cette terre est en train d'être labourée par le gouvernement".