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L'Accaparement Caché des Ressources en Eau de l'Afrique

June 14, 2012
Source
Le Monde

Gilles van Kote

 

Derrière le phénomène d'accaparement des terres des pays du Sud se cache un "accaparement des ressources en eau", estime l'organisation non gouvernementale (ONG) Grain, dans un rapport, publié lundi 11 juin, consacré plus spécifiquement au cas africain. "Si l'on permet à ces accaparements de terres de se poursuivre, alors l'Afrique se dirigera vers un suicide hydrologique", affirme Henk Hobbelink, coordonnateur de Grain.

L'ONG prend en particulier l'exemple du Nil. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime que le potentiel maximal d'irrigation dans les dix pays du bassin du Nil est de 8 millions d'hectares.

Or, si l'on ne prend que quatre d'entre eux - l'Egypte, le Soudan, le Soudan du Sud et l'Ethiopie -, les surfaces disposant d'infrastructures d'irrigation représentent déjà 5,4 millions d'hectares. Et la superficie de terres ayant fait ces dernières années l'objet de transactions (achat ou location) atteindrait 8,6 millions d'hectares, selon le rapport.

"Il reste à voir quelle proportion de ces terres sera réellement cultivée et irriguée, mais il est difficile d'imaginer que le Nil puisse supporter une telle agression", estime Grain. Une autre ONG, Oakland Institute, avait publié, en décembre 2011, une étude similaire, dans laquelle elle affirmait que la mise en irrigation des terres concédées à des investisseurs en Ethiopie aboutirait à une multiplication par neuf, par rapport à des chiffres remontant à 2002, de laconsommation d'eau par l'agriculture.

CULTURES GOURMANDES EN EAU

"Ce phénomène va rendre l'accès à l'eau plus difficile, en particulier pour les populations les plus vulnérables, et donc entraîner une multiplication des conflits d'usage locaux, redoute Alain Vidal, directeur du programme "Eau et nourriture" du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale.

Il va également avoir un impact sur l'environnement et - sans aller forcément jusqu'à l'assèchement des fleuves - entraîner la destruction d'écosystèmes dont dépend souvent l'existence de populations défavorisées."

Grain constate que les achats et locations de terre se concentrent dans les régions disposant des plus importantes ressources en eau. L'ONG cite l'exemple de la région de Gambella, dans le sud-ouest de l'Ethiopie. Dans cette zone tropicale située au pied des hauts plateaux, de nombreux investisseurs étrangers - indiens, saoudiens et chinois - se sont lancés dans des cultures gourmandes en eau, riz et canne à sucre notamment. Les contrats de location des terres dont ils disposent leur permettent d'avoir un accès illimité et gratuit aux importantes ressources en eau de la région.

Le numéro de juin de la revue spécialisée Water Alternatives est lui aussi consacré au phénomène dénoncé par Grain, "largement ignoré malgré l'interconnexion entre la terre et l'eau". Il comporte de nombreuses études de cas concernant l'Afrique, mais également l'Asie et l'Amérique latine.