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Massacre à la Tronçonneuse en Papouasie Nouvelle-Guinée

June 22, 2013
Source
Ouest France

Au mois de mars, en baie de Turubu, le 37e cargo a levé l’ancre avec son chargement de bois.Au mois de mars, en baie de Turubu, le 37e cargo a levé l’ancre avec son chargement de bois.  Éric Chebassier/Oakland Institute

 

L’un des réservoirs de biodiversité de la planète est menacé par la déforestation et le pillage des matières premières. Frédéric Mousseau directeur du Oakland Institute vient de témoigner à Nantes dans le cadre du programme Lascaux. Un documentaire tourné en Océanie sortira à l’automne.

Un paradis perdu. Le bonheur se lovait là, à Mandawan, dans la baie de Turubu en Papouasie-Nouvelle-Guinée avec les cris des enfants courant pieds nus sur la plage. Le gris bleu de la mer à l’aube et les frondaisons des arbres centenaires face à l’océan. Jusqu’à l’arrivée de ce premier navire affrété par la Sepik Palm Oil limited il y a trois ans.

Depuis, les plus beaux arbres s’abîment dans un fracas de branches et partent vers la Chine ou l’Inde. Au mois de mars, le 37e cargo a levé l’ancre avec son chargement. Un crève-cœur.

La baie de Turubu est à deux heures d'avion de la capitale Port-Moresby.

La baie de Turubu est à deux heures d'avion de la capitale Port-Moresby. Eric Chebassier/Oakland Institute

Rivage déboisé

La source d’eau la plus proche a été dévastée, le rivage massacré. Les communautés locales pensaient avoir concédé 10 000 ha sur des plateaux herbeux pour de la culture de palmier à huile, elles découvrent que l’ensemble du territoire soit 116 000 ha dont elles sont propriétaire, villages compris, est désormais sous la coupe de l’entreprise.

À deux heures d’avion de la capitale, la loi de la jungle impose son joug. Et les protestations se perdent dans le dédale des bureaux de l’administration.

Une situation presque banale dans ce pays de l’Océanie de 462 840 kilomètres carrés tombé sous la coupe de sociétés, chinoises en première ligne, dont la trace se perd dans les paradis fiscaux. Bois, pêche, minerais, un pillage à grande échelle facilité par l’absence de route, la dispersion des populations et la pratique de 800 langues différentes. « Nous sommes allés trop loin », a fini par reconnaître le Premier ministre Peter O’Neil dans un entretien à une radio australienne.

Car la baie de Turubu n’est pas un cas isolé et la multiplication des scandales a conduit le Parlement à mettre sur pied une commission d’enquête. Ses travaux auraient dû être présentés depuis plusieurs mois déjà. Mais les parlementaires qui font l’objet de multiples pressions peinent à conclure. Ouest-France a eu accès à ces auditions. Elles confirment l’ampleur du phénomène et les dérapages constatés dans la baie de Turubu.

 

Pillage à grande échelle

Ce nouvel éclairage sur la Papouasie-Nouvelle-Guinée a été apporté au mois de mars par les enquêteurs du Oakland Institute, une ONG américaine. Après avoir pisté la Socfin en Sierra Leone, ils ont réalisé un documentaire financé par souscription publique. Il sera diffusé à l’automne.« On assiste à un pillage à grande échelle et l’agriculture n’est qu’un prétexte », observe Frédéric Mousseau, le directeur du Oakland Institute qui vient de témoigner à Nantes dans le cadre du programmeeuropéen Lascaux consacré à l’agriculture et aux questions d’alimentation.« Ces quatre dernières années, 5,5 millions d’hectares ont été concédés. 72 contrats ont été signés par des sociétés étrangères associées à des partenaires locaux. »

À elle seule, une entreprise australienne a réussi à rafler 2 millions d’hectares pour construire une route de 600 kilomètres. L’emprise suffisamment large lui permettra de se payer en bois.

Les installations pour exporter le bois ont saccagé le rivage de la baie de Turubu.

Les installations pour exporter le bois ont saccagé le rivage de la baie de Turubu. Eric Chebassier/ Oakland Institute

Faire certifier l’huile de palme, le cas de la New Britain Palm Oil limited

« La situation est préoccupante. Il y a beaucoup de corruption et les capitaux à l’œuvre sont ceux de l’Asie perverse », confirme Luc Bonneau. Ce scientifique français installé sur l’île de Nouvelle-Bretagne toujours en Papouasie-Nouvelle-Guinée travaille pour la New Britain Palm Oil limited. Cette société cotée en bourse à Londres et Port-Moresby a elle fait le choix de la transparence. Et accepte de se faire auditer. Une exception. L’huile de palme y est certifiée développement durable (RSPO). Et parmi ses clients, on trouve Ferrero. « Nous essayons de promouvoir cette démarche. Mais c’est difficile. Certaines sociétés ont des concessions de 500 000 hectares. Officiellement pour produire de l’huile de palme. Mais il n’y a pas de moulins. La production se perd. Elles sont là pour le bois et rien d’autre. »

 

Patrice MOYON.