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Space 2014. Aux États-Unis, visitez la ferme aux 40 000 vaches

September 19, 2014
Source
Ouestfrance-enterprises.fr

 

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Sur l'autoroute entre Chicago et Indianapolis, impossible de la rater. De vieux camions de lait décorés de vaches ou de cochons hilares servent de panneaux indicateurs. Ils prennent le relais de pubs pour des églises protestantes qui vous projettent dans un autre monde. « Et si vous mouriez ce soir : le paradis ou l'enfer ? » Autant rester sur le plancher des vaches.

Au milieu des champs de maïs, dans les mornes plaines du Middle-West américain, Fair Oaks Farms bat tous les records. À elle seule, cette ferme laitière unique au monde peut fournir un verre de lait quotidien à 3,5 millions d'Américains.

40000 vaches alignées comme à la parade dans d'immenses bâtiments le long de l'autoroute testent un nouveau modèle. «Intensif et respectueux de l'environnement, résume Jed Stockton son directeur de la communication. Nous sommes autonomes pour l'alimentation de nos animaux. L'énergie est fournie par une unité de méthanisation. »

Cet ancien éditeur de presse mis sur la touche par la révolution numérique a fait son retour à la terre. Ses employeurs : un groupe de neuf familles d'agriculteurs lancées dans un projet un peu fou. « Les consommateurs américains ne savent plus d'où vient leur nourriture. Ici, nous leur expliquons. »

Fair Oaks Farms est donc à la fois une exploitation agricole mais aussi un parc pédagogique. À grands renforts d'écrans, de visites panoramiques de la salle de traite et de statistiques, on y présente ce que ces pionniers imaginent comme l'agriculture du XXIe siècle.

« On voulait faire une place aux visiteurs. Mais nous n'imaginions pas un tel succès », explique Jed Stockton sur le parking où se succèdent les départs en bus pour les visites commentées. On voit tout mais on ne touche pas. Et on ne se promène pas.

La traversée des étables se fait en car et se termine devant le magasin des souvenirs et des produits dérivés. Ici, on usine du lait mais aussi des cochons : plus de 7 000 truies et bientôt des poulets. Un studio pour accueillir des scientifiques est inscrit au programme. Et un restaurant de 500 couverts a ouvert en juillet. La campagne américaine a son Disney Land. Tout sauf anecdotique. Fair Oaks Farms est aujourd'hui la vitrine de l'agro-industrie.

La campagne US a son Disney Land

La planète a soif de lait. En Chine, en Inde, au Vietnam, une nouvelle classe moyenne prend goût aux desserts lactés ou remplace l'allaitement par de la poudre de lait infantile. « Le marché est immense. Il faut être capable de répondre à sa demande », explique Fu Wenge, spécialiste de l'agriculture chinoise.

Ce choix, très politique, implique la disparition des petites exploitations. Au nom de l'efficacité mais aussi de la sécurité alimentaire. Tout doit être sous contrôle : les hommes et les animaux. « Il y a aujourd'hui 200millions d'éleveurs en Chine. Il n'en restera plus que 20 millions dans dix ans », poursuit Fu Wenge.

Pour alimenter des villes tentaculaires, l'accent est mis sur des élevages industriels. Ces HLM horizontaux pour ruminants accueilleront plusieurs milliers de vaches. Confinées dans des étables, équipées de capteurs qui suivent en temps réels leurs performances et leurs moindres pépins de santé, elles ne verront jamais la couleur d'une prairie ni le vert intense des rizières.

Aux États-Unis, ces Formule 1 du lait, boostées par la génétique multiplient les records de production laitière.

« Ici, chaque vache produit 8 500 litres de lait par an », observe Jed Stockton. En France, la moyenne est de 6 652 litres. « Nous sommes une référence pour tous ceux qui s'intéressent à ce type d'élevage. Des Russes et des Chinois veulent s'inspirer de notre expérience. »

La course au gigantisme se retrouve jusque dans les sables du désert. En Arabie Saoudite, le groupe Almarai dispose déjà d'une ferme de 46 000 vaches. Le record de Fair Oaks Farms est battu.

Des voix, pour l'heure minoritaires, dénoncent pourtant ce tournant pris par l'agriculture américaine. Et les risques d'un développement déséquilibré. Wall Street s'intéresse aux terres américaines et ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour l'agriculture, dénonce dans un rapport récent le Oakland Institute, un cercle de réflexion basé en Californie.

« Nous ne sommes pas une firme mais une ferme. Nous restons des agriculteurs », se défend le directeur de la communication de Fair Oaks Farms. Les neuf familles associées disent vouloir garder les pieds sur terre. Avec un sens certain de la communication. La ferme est devenue un parc d'attraction. Le lait une aventure sucrée hollywoodienne.

On en oublierait presque le bourdonnement des voitures, sur l'autoroute qui longe Fair Oaks Farms.

 

Patrice MOYON.