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Banque africaine de développement: Appel pour mettre fin au soutien aux parcs agroindustriels en RDC

June 5, 2019
Organization logos

M. Akinwumi Adesina
Président, Banque africaine de développement Avenue Joseph Anoma
01 BP 1387 Abidjan 01 Côte d’Ivoire

Via email:

CC: Ousmane Dore, Directeur Région Afrique Centrale
Donatien Akoupo Kouassi, Chargé de programmes RDC
Jennifer Blanke, Vice-Président Agriculture, Développement Humain et Social
Pierre Guislain, Vice-Président Secteur Privé, Infrastructure et Industrialisation

5 juin 2019

RE: APPEL POUR METTRE FIN AU SOUTIEN AUX PARCS AGROINDUSTRIELS EN RDC

Cher M. Adesina,

Nous vous écrivons pour vous demander de mettre fin à la promotion des parcs agroindustriels par la Banque africaine de développement en RDC. Les parcs, basés sur un modèle mal conçu, auront des conséquences dévastatrices sur les communautés locales et ne produiront pas de résultats en termes de développement.

La BAD est l'un des principaux moteurs et financeurs du plan de la RDC visant à créer 22 parcs agro-industriels sur 1,5 million d'hectares. La BAD, en accordant 1 million de dollars pour des études de faisabilité, encourage explicitement la RDC à donner la priorité aux plantations industrielles par rapport aux exploitations familiales, même si cela contredit la politique agricole du pays, qui vise à soutenir les agriculteurs.

Le récent rapport de l'Oakland Institute, Parcs agro-industriels en RDC: Tirer les leçons de la débâcle de Bukanga Lonzo, décrit les conséquences dévastatrices du projet pilote de parc agro-industriel. Ce partenariat public-privé entre la société sud- africaine Africom et le gouvernement congolais a reçu un appui technique et financier important de la Banque mondiale et de la BAD. Le rapport dénonce l'échec total du parc et rapporte comment neuf villages ont été induits en erreur pour signer la cession de leurs terres ancestrales.

La BAD a précédemment affirmé que l'acquisition des terres pour le parc a été réalisée de manière légale et que les communautés locales ont accepté le parc sur leurs terres de manière “unanime”. Cependant, de nombreux témoignages recueillis auprès des villageois font état de déplacements forcés ainsi que de nombreux incidents de violence policière contre la population locale, qui se seraient soldés par un décès. Un audit du projet réalisé par Ernest & Young a été divulgué et révèle une image accablante de sa conception et de sa gestion et soulève des soupçons de détournement de fonds et de corruption. Les installations et les services, tels que les écoles, les cliniques, l'eau et l'électricité, promis par Africom ne se sont jamais matérialisés, et l'utilisation incontrôlée de produits chimiques nocifs a entraîné la pollution des rivières environnantes utilisées par les habitants pour boire et se laver.

Malgré l'échec du projet pilote agro-industriel de Bukanga Lonzo, le gouvernement prévoit de créer 21 autres parcs dans le pays. Ce plan, soutenu et encouragé par la BAD, va à l'encontre des souhaits exprimés par les agriculteurs et leurs organisations, qui ont appelé à la fin des parcs agro-industriels et projets similaires. Les ONG et les organisations religieuses se sont jointes aux organisations paysannes pour rejeter le modèle de parc agro-industriel. En mai 2019, 19 organisations de la société civile congolaise, y compris des organisations paysannes, religieuses et des groupes de défense des droits de l'homme et de l'environnement, ont publié une déclaration commune appelant la Banque mondiale et la BAD à mettre fin immédiatement à la promotion des parcs agro-industriels et à soutenir les agriculteurs familiaux en RDC.

De nombreuses actions peuvent aider les agriculteurs à produire et à obtenir un revenu correct pour leurs récoltes. Qualifiés à tort d'"agriculteurs de subsistance", la plupart des paysans de RDC sont des entrepreneurs qui tirent des revenus de la vente de leurs récoltes. Cependant, ils ont besoin d'aide pour accéder aux services de base, aux intrants et au crédit, ainsi que pour améliorer les moyens de stocker, de transporter et de vendre leurs produits. Au lieu de les déposséder de leurs terres et d'établir une production industrielle qui les laisse pour compte, il existe d'autres possibilités d'investissement privé pour répondre à ces besoins. Les mécanismes institutionnels, les politiques publiques et les investissements devraient tous être axés sur la fourniture d'un tel soutien durable au secteur agricole.

En nous unissant aux organisations congolaises, nous appelons donc la Banque africaine de développement à mettre fin immédiatement à son soutien aux parcs agro-industriels et à soutenir plutôt les agriculteurs familiaux. C'est le seul moyen de lutter contre la faim et la pauvreté de manière durable et efficace, en RDC comme dans le reste de l'Afrique.

Nous vous remercions de l'attention que vous porterez à cette question et attendons votre réponse.

Sincèrement,

Anuradha Mittal, Directrice Executive, The Oakland Institute
Henk Hobbelink, Coordinateur, Grain
Olivier Hauglustaine, Secrétaire Général, SOS Faim
Hannah Mowat, Coordinatrice Campaignes, Fern
Fr. Aniedi Okure, OP, Directeur Executif, Africa Faith & Justice Network
Véronique Wemaere, Directrice, Solsoc
François Cornet, Directeur, Caritas International
Vincent Henin, Louvain-Coopération
Pierre Collière, Eclosio
Julie Berthelier, ULB Coopération